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Recherche Action Bien vieillir et Gériatrie

(que l’on soit en bonne santé dans un esprit de prévention – santé ou fragilisé par le grand âge)

A. Une expérience pilote initiée par l’Hôpital Gériatrique de Strasbourg-Robertsau en 1996 (Personnes âgées dépendantes et polyhandicapées) EHPAD pavillon Kuss et ABRAPA

La première expérience de Recherche Action du Tai Chi adapté à un public spécifique, a été organisée en 1996 pour répondre à la demande du Professeur Kuntzmann, Professeur de Gériatrie à la Faculté de Médecine et Responsable des Services de Gériatrie des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, qui souhaitait mettre à la disposition de personnes âgées polyhandicapées, vivant en unité des soins de longue durée, un art corporel doux qui puisse être adapté à l’ensemble des cas.

Notre équipe a eu le privilège de réaliser ce travail à la fois complexe et délicat en raison des cumuls de handicaps et de maladies propres à la population du 4ème âge (handicaps physiques, paralysies, mobilité réduite, problèmes de santé liés au grand âge, handicaps mentaux plus ou moins sévères). Une équipe bénévole d’élèves de l’Ecole de Tai Chi s’est créée autour de ce nouveau projet, une association s’est créée pour servir de structure au bénévolat.
L’extrait d’un entretien filmé du Professeur Kuntzmann, résume la problématique principale du vieillissement des personnes âgées, à mobilité réduite, et dépendantes :

« Par principe nous cherchons à mobiliser au mieux des personnes qui ont tendance à se mobiliser de moins en moins. Les personnes âgées surtout celles qui vivent en institution et plus particulièrement dans des institutions type long séjour sont des personnes qui, parce qu’elles sont affligées d’un certain nombre de maladies ou d’incapacités, sont des personnes de moins en moins mobiles non seulement au point de vue locomoteur mais même au niveau de leurs possibilités et de leur gestuelle.
Cette immobilité est pernicieuse parce que l’immobilité physique entraîne aussi une certaine torpeur intellectuelle, un certain laisser-aller puis l’immobilité complète. La mobilité c’est le mouvement, c’est la vie. De ce fait tout ce qui va dans le sens de remotiver et remobiliser les personnes, nous sommes toujours par principe systématiquement preneurs ».

Naissance de nouvelles Recherches Actions « Tai Chi adapté aux handicaps et à la maladie »

L’expérience pilote réalisée auprès des personnes âgées a été un révélateur certain de la possibilité d’adapter la méthode à d’autres personnes fragilisées par le handicap et par la maladie.

B. SITE PILOTE DEPUIS 2010 – GROUPE « Bois Fleuri » – Unité de personnes avec des déficiences cognitives dont la maladie d’ALZHEIMER les samedis de 10h15 à 11h30 HOPITAL GÉRIATRIQUE DE LA ROBERSTAU (Hopitaux universitaires de Strasbourg)

OBSERVATIONS (extraits) de quelques visites par une participante bénévole en 1ère année de formation Bénévolat et Animation « Tai Chi et Chi Gong adaptés® : Sandrine F.
« … Le samedi matin lorsque je vais au Bois Fleuri, je viens partager un temps d’échange avec un petit groupe de résidents de l’unité Alzheimer. Nous nous rencontrons pour faire du Tai chi, « la gymnastique Tai Chi » comme nous leur proposons au sein de l’Association Arts Calisthénics – Tai Chi ».

Il y a Lucie et Armand qui vont côte à côte dans un regard de tendresse et de douceur ; Il y a Maggy la doyenne certainement, qui aime le rythme et les chants, fatigable elle est parfois happée par quelques minutes de sommeil ; Il y a Monique et Charles, un autre couple, plus discret, plus convenu ; Il y a Nicole dans sa chaise roulante, raide, et présente en discontinu entre ses sourires,
Il y a les bénévoles de l’association…

Nous nous retrouvons dans l’unité, retrouvailles aux allures de première rencontre avec des habitués aux souvenirs effilochés.
Il y a des sourires, des regards qui s’éveillent pour le meilleur ou pour le pire, des embrassades et bien sûr certaines craintes de part et d’autre. Est-ce que je respecte son libre arbitre lorsque j’insiste un peu auprès de Monique qui vient de refuser de descendre pour la séance ? Je sais qu’après quelques minutes, elle aura oublié et que si Charles se lève, il suffira de l’encourager à nous suivre. Peut-être, j’insiste un peu lourdement…, persuadée que ce moment de Tai Chi sera « bien pour elle » !!? Et puis il y a aussi des résidents que l’on connaît moins, que l’on nous déconseille d’emmener avec le groupe et qui pourtant parfois vous interpellent, sont prêts à vous suivre, ou plutôt à vous mener quelque part, dont seul eux ont le secret…

Tous ensemble, nous partons, nous tenant par la main. Légère angoisse dans l’ascenseur qui nous happe vers un ailleurs inconnu. J’essaie d’être contenante, sécurisante.
Le groupe chemine jusqu’à la salle d’activité, les bénévoles attirent l’attention vers le petit jardin attenant – cette fois les cerises sont presque mûres. On peut se donner des repères. Nous avons tous hâte d’arriver, de retrouver un lieu sécurisant.
Assis en cercle dans la salle aux larges baies vitrées ouvrant sur un écrin de verdure où Maggy voit beaucoup d’amitié, nous débutons a proprement parler la séance…

Salutation à la chinoise, un mouvement apparemment simple qui devient si complexe, laissant entrevoir la confusion que sème la pathologie.
On commence par les auto-massages, un bénévole donne les indications, les autres participent, reformulent, guident, encouragent. Les mouvements sont approximatifs mais la plupart des résidents participent à leur façon. Les visages prennent de la couleur, Monique dit que ça fait du bien.
Pourtant le fil se perd vite, il faut sans cesse, re-solliciter, encourager, capter du regard. Suis-je légitime à toujours remobiliser, stimuler, remettre au travail ? Qu’est-ce qui motive la participation des résidents ? Je sens qu’il y a une part de recherche de reconnaissance…; la notion de libre arbitre en tout cas est autre et je ne suis pas tout à fait à l’aise avec cela…
J’essaie d’encourager sans porter de jugement ou être normative. Nous suivons la proposition d’Armand qui détourne un peu un mouvement pour une autre forme qui lui apporte du plaisir. J’envisage combien tout cela est compliqué pour les participants, la concentration pour reproduire les mouvements, l’énergie et l’endurance pour les enchainer près d’une heure durant. Je vois la fatigue s’installer chez certains alors que pourtant ils continuent à participer.

Nous nous guidons aux sourires. Maggy accompagne de son chant.
Après les Chi Gong, j’aime beaucoup le moment d’échange avec les ballons car alors nous sommes tous au diapason dans le jeu. L’échange est évident. On se choisit, on se nomme, on lance !
Puis la forme du Tai Chi, « le soleil se lève … » ne se couche pas toujours. Je sens de l’énergie dans mes mains, me redresse et respire.


La séance se termine, la petite troupe repart en chantant, nous nous séparons à l’unité dans une poignée de main. Je repars le cœur gonflé de ce simple moment de partage ; la semaine prochaine je reviendrai, de nouveau anonyme… ».